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AFR : Des journalistes africains s’attaquent à la FIFA

PAR PAPA DJIBRIL GAYE

C’est le sentiment le plus partagé ! L’ingérence de trop de la FIFA dans les affaires de la CAF. La première instance citée, qui choisit même pour les Africains un dirigeant pour gérer le football continental, est sur le point de reporter la Coupe d’Afrique des Nations, initialement prévue en été 2025, pour l’organiser en janvier. La cause ? La FIFA veut juste lancer son Mondial des Clubs durant l’été 2025. Si, jusqu’ici, les présidents de Fédérations n’ont pas pipé mot et semblent être à la solde de la FIFA, des journalistes africains, en l’occurrence Abdoulaye Thiam (Sénégal), Nazim Bessol (Algérie) et Georges Mbimbe ( Cameroun), n’ont pas hésité à ouvrir le feu… PAR PAPA DJIBRIL GAYE

Si les dirigeants du football africains se veulent très pas- sifs face à l’ingérence de la FIFA dans le football africain, les journalistes du continent, quant à eux, ne comptent pas se laisser piétiner par l’ins- tance du football mondial. Depuis le retour de la Côte d’Ivoire, après la 34e édition de la Coupe d’Afrique des Na- tions, les Africains sont dans le flou total sur la tenue de la prochaine CAN qui devrait se tenir, en été, au Royaume chérifien. Mais comme beaucoup le craignaient, Véron Mosengo-Omba a lâché une bombe comme quoi, ce rendez-vous majeur du football africain se tiendra finalement en janvier 2026 et non durant l’été 2025 pour la bonne et simple raison que la FIFA veut organiser sa Coupe du monde des clubs en 2025.

La CAN en année impaire

Abdoulaye Thiam, patron de la presse sénégalaise et de la presse africaine, hausse le ton : «Il faut juste se poser des questions, à savoir est-ce que c’est normal, est-ce que c’est correct, c’est décent, compte tenu de l’importance de la Confédération africaine de football, de l’apport des joueurs africains sur l’échiquier mondial, que l’organisation d’une Coupe du monde des clubs puisse être la cause du report de la Coupe d’Afrique des Nations ? Est-ce que c’est sérieux de la part de la Fifa, qui contrôle le football mondial, de reporter la CAN pour une Coupe du monde des Clubs qui ne verra que 4 participations de Clubs africains ? Je rappelle que l’organisation d’une CAN, en année impaire, répond à une logique à une certaine récrimination de joueurs africains qui arrivaient tous lessivés quand ils jouaient une CAN en année paire qui coïncide avec une Coupe du monde, comme ce sera le cas en 2026. C’est pourquoi après la CAN en2026, on a fait un glissement pour organiser la CAN en année impaire pour une première en 2013. Aujourd’hui, on est en train de nous dire que tout ce qu’on avait fait n’a pas de sens, parce que la FIFA veut organiser sa Coupe du monde des Clubs. Une chose qu’ils n’osent pas faire à l’UEFA, à la CONMEBOL, on ne la fait pas à la CONCACAF, ni à l’AFC, encore moins à l’OFC.»

Depuis le départ de Issa Hayatou

Même son de cloche pour Nazim Bessol, notre confrère algérien qui se désole de voir la FIFA décider tout le temps pour la CAF. «Je pense que ça confirme une tendance qui a commencé à s’installer depuis 2017, date à laquelle l’ancien président, Issa Hayatou, a quitté la CAF. L’instance, qui a décidé d’innover ou d’augmenter ses revenus, a décidé d’augmenter le nombre d’équipes, en faisant fi de la presse africaine qui soulevait l’impossibilité pour beaucoup de pays d’organiser une CAN à 24. J’avais même posé la question à Ahmad Ahmad, en lui disant, est-ce que ce n’est pas une manière de favoriser la co-organisation ? Mais il était perdu dans une attaque contre ma personne. Je pense que c’est le fruit de beaucoup de choses, de décisions qui ne sont pas prises par les Africains, mais plutôt par la FIFA qui fait place nette pour ses compétitions à ses intérêts.». Depuis le pays des Lions Indomptables, Georges Mbimbe, journaliste à RSI, souligne qu’un report va fragiliser davantage cette messe du football africain. «Si jamais, il y a report, la vérité est que la valeur de la Coupe d’Afrique des Nations va se poser, et celle qui est garante de cette compétition africaine, c’est la Confédération africaine de football. Aujourd’hui, toutes les autres grandes compétitions des autres Confédérations africaines sont respectées, elles ont une date précise. Le report fera une énorme bévue et donnera le sentiment que la Confédération africaine est au supplice, dès que le FIFA arrive.»

Une question d’existence

Poursuivant, Georges Mbimbe demande aux dirigeants afri- cains de se montrer encore plus courageux. « L’autre lecture, c’est qu’au-delà des émotions, il y a la réalité en face qui fait qu’on a besoin de l’encadrement de la FIFA. On a passé plusieurs années à festoyer à travers cette compétition, mais, financièrement, tout le monde sait dans quelle situation la CAF se trouve. A partir de là, je vois mal la CAF regarder la FIFA en face, droit dans les yeux, comme le ferait l’UEFA, compte tenu de la situation précaire où l’on se trouve. Si la FIFA doit mettre au monde son petit bébé, à savoir la Coupe du monde des Clubs à la même période que la CAN, ça devient compliqué pour les dirigeants du football africain de ne pas reculer. Mais je pense que, pour une question d’orgueil, pour une question d’existence, il fallait aller jusqu’au bout, jusqu’à la mesure du possible et se battre pour maintenir la date.»

Une forfaiture de trop

De son côté, Nazim Bessol évoque la responsabilité de nos présidents de faire face à cette forfaiture de trop de la FIFA pour une meilleure prise en compte de l’intérêt du foot- ball africain. «Aujourd’hui, la CAN est menacée, c’est un constat assez triste pour notre football et pour l’instance, parce que tout ce qui a été obtenu, c’est grâce à beaucoup d’engagement, de combats de lutte. Et aujourd’hui, on est en train de prendre le chemin inverse, quand on voit aussi la CAN féminine qui doit se tenir en 2024, mais qu’on annonce l’impossibilité de l’organiser pour X raison, mais je suis désolé. Tout ça, c’est un peu triste pour le football africain. Au niveau des pays, il faudrait qu’on demande plus de comptes aux délégués, aux présidents de Fédérations. N’oublions pas qu’ils vont représenter un pays, un continent. Comment un président de Fédération peut justifier cet éventuel report ? Pourquoi les délégués africains laissent pas- ser une compétition de Clubs avant sa propre compétition ? La dernière CAN qui s’est jouée en temps et en heure, c’était en 2017 !»

Une grande responsabilité des africains

Membre du Comité exécutif de l’AIPS Afrique, Bessol ajoute : «Aujourd’hui, on voit que la Coupe du monde des Clubs, qui doit se tenir l’été prochain aux États-Unis, est prioritaire par rapport à la CAN. Cela veut dire que les délégués africains, qui portent une grande responsabilité, et même vis-à-vis de l’Histoire, ont validé tous les projets qu’on leur a servis, sans jamais se soucier de l’intérêt du football africain, de l’intérêt de cette jeunesse et du développement de la pratique du football en Afrique. C’est bien de se glorifier avec des slogans, mais,
aujourd’hui, on se rend compte que le football africain s’est transformé en chambre d’exécution, chambre d’enregistrement de décisions qui sont prises ailleurs et qui ne sont pas dans l’intérêt du continent africain, sinon comment expliquer qu’on n’arrive pas a avoir un calendrier, à organiser ses propres compétitions, sa compétition phare, la Coupe d’Afrique des Nations, qui génère plus de revenus ?

Un combat de tous les africains

Conscient de la situation, Abdoulaye Thiam demande aux Africains, jusqu’au plus haut sommet, de mener le combat. «Ce problème n’est pas une affaire de la CAF tout simplement, mais de tous les Africains, à savoir les Chefs d’État, l’Union Africaine, les journalistes, des joueurs et de toutes les personnes qui aiment le football africain. Il faut qu’on sauve la CAN, la farce a trop duré, il faut se faire respecter à un moment donné ! Il n’y a pas que l’argent dans le football. On ne peut pas continuer dans cette course effrénée de l’argent. La FIFA a même créé une Coupe du monde arabe ! Et si on créait une Coupe du monde noire ? Vous vous rendez compte de ce qui se passe ? Je pense qu’on devrait penser à respecter notre Coupe d’Afrique, sachant qu’elle est notre compétition majeure et qui rapporte plus d’argent à notre confédération. Ce n’est pas une affaire des dirigeants, mais une chose qui nous concerne tous, et il faut sensibiliser tout le monde. Depuis 2017, l’Afrique ne contrôle plus son agenda. Depuis le départ d’Issa Hayatou, on ne contrôle plus rien. La période et la périodicité sont perpétuellement remises en cause.»

PAR PAPA DJIBRIL GAYE (In source, quotidien d’information sénégalais)

 

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